Chez Xavier

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Two tears of blood red slide along the face of a blue bottle. Gee, that was a bloody monday! - Flickr

Il y avait une jeune fille à la bouche ronde et rose. A chacun de ses pas, les tiges brunes de ses cheveux venaient frôler son cou, dans un mouvement élastique. J'ai cru un instant qu'elle s'arrêterait, qu'elle tournerait la tête, esquisserait un geste, mais elle est finalement passée sans un regard, disparaissant en quelques pas à jamais au coin de la rue.

Plus loin, c'est cet homme qui échangeait avec une vieille dame au sujet de leurs chiens respectifs. Le vent frais passait dans les arbres. Je suis passé moi aussi. Quand les mots manquent et que le cœur fait défaut, qu'il est dur de quitter ses pensées ! Le monde est en ces moments comme un vaste cocon, à la fois trop actif et inconfortable ; tout évènement y prend des proportions inouïes, incongrues, mais pourtant aucun ne vous atteint vraiment, rien ne peut vous extraire de vos pensées, toujours identiques et baignées d'une humeur maussade. Le ciel semble gris même si un vif soleil le perce, le vent frais est froidure, les sourires des autres insupportables.

Et pourtant, votre cœur expire enfin, ou plutôt il suinte autant qu'il peut. Demain la douleur sera moins présente, vous cesserez de n'être plus rien, le sourire renaîtra, les cheveux pousseront et les idées aussi !

— Comment cela s'appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd'hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l'air pourtant se respire, et que tout est perdu, que la ville brûle, que les innocents s'entretuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?

— Cela a un très beau nom. Cela s'appelle l'aurore.

Jean Giraudoux, Electre

C'est donc l'heure d'une nouvelle aurore :-)